À la croisée des mondes (méditation de la Toussaint)
Le mois de novembre et ses symboles nous invitent à traverser les ombres pour oser la transformation.
Celine Yogali
10/31/20254 min read
À la croisée des mondes (méditation de la Toussaint)
Le mois de novembre, saison de la Toussaint et du Scorpion ouvre ce temps de la lumière qui décroît, ce moment de l’automne ou la nature entre dans le lent processus de sa propre dissolution. C’est la saison de la vie qui se replie, des feuilles qui se détachent de leurs branches comme autant de renoncements nécessaires. À travers ce dépouillement, quelque chose d’essentiel se révèle : la vérité du cycle, la lucidité de la finitude. Le Scorpion, signe d’eau gouverné par Pluton, porte en lui cette responsabilité sacrée : celle d’habiter la transformation, d’accepter la mort symbolique comme condition du renouveau.
Le Scorpion: de la vie vers la mort
L’énergie du Scorpion n’est jamais superficielle. Elle invite à la descente, à la plongée dans les couches les plus secrètes du réel. Là où d’autres cherchent à fuir l’obscurité, le Scorpion s’y enfonce avec courage, non par goût du drame, mais parce qu’il sait que toute lumière authentique naît du contact avec l’ombre. Son domaine est celui des passages, des seuils, des métamorphoses intérieures. Il relie le visible et l’invisible, le monde des formes et celui des profondeurs cachées. Le Scorpion nous enseigne qu’il n’y a pas de renaissance sans traversée, pas d’éveil sans descente aux enfers.
Hadès le Maitre des Enfers
Cette descente, les anciens l’avaient déjà mise en scène à travers le mythe d’Hadès. Le dieu des enfers n’était pas un démon, mais le gardien des mondes souterrains, le maître de ce qui reste invisible aux yeux des vivants. Son royaume n’était pas une punition, mais une dimension nécessaire de l’ordre cosmique. Hadès, ou Pluton chez les Romains, veille sur les trésors enfouis, sur les racines cachées de la vie. Il symbolise la force d’attraction de l’invisible, cette gravité intérieure qui nous pousse à explorer nos propres ténèbres pour y trouver la graine de la transformation.
Saison de la transformation
Descendre aux enfers, dans le langage symbolique du Scorpion ou d'Hadès c’est oser regarder en soi ce que l’on refoule. C’est accepter de rencontrer les peurs, les pulsions, les blessures, tout ce qui compose la part d’ombre de notre psyché. Là réside la sagesse paradoxale de ce symbole : ce que nous refusons de voir nous emprisonne, ce que nous acceptons de regarder nous libère. Il n'est pas question de détruire pour détruire, il est question de régénérer. La mort n’est jamais une fin, mais un passage. La lucidité est un acte de foi dans la vie elle-même — une foi qui ne se nourrit pas d’illusions, mais de vérité.
Philosophiquement, il est question de penser le réel sans séparer les contraires. Toute chose porte en elle son ombre, et la clarté du jour n’existe qu’à travers la profondeur de la nuit, la vie se nourrit de la mort et la bonté ne se comprend qu’à travers la possibilité du mal. Refuser l’ombre, c’est vivre dans le déni de la totalité du monde. Evoluer c'est oser ne rien nier, embrasser la dualité, la traverser, et par ce geste atteindre l'unité.
Ce moment de l'année nous met face à la complexité du vivant : rien n’est pur, rien n’est figé. Tout respire, se transforme, meurt et renaît. Dans l'alchimie astrologique le Scorpion incarne le mouvement profond de la conscience qui s’ouvre à sa propre impermanence. C’est pourquoi il est lié à la transmutation — la capacité à transformer la douleur en connaissance, la perte en sagesse, la fin en commencement. Là où le Bélier allume la flamme de la vie, le Scorpion en garde la braise secrète, la veille silencieuse qui permet à la flamme de renaître plus tard.
Nourrir le souvenir et relier les temps
Cette période de l’année est aussi celle des rites du souvenir, où les frontières entre les mondes s’amincissent. Autour de la Toussaint, les traditions se rejoignent pour honorer les morts. Ce n’est pas un hasard si cette fête se situe en plein cœur de la saison du Scorpion. Dans la symbolique chrétienne, la Toussaint et le Jour des Morts rappellent que la mort n’est pas une absence mais une transformation, un passage vers une autre forme de présence.
Au Mexique, la fête des morts (Día de los Muertos) exprime cette même vérité sous un visage coloré et vivant. Là-bas, la mort ne fait pas peur : on la célèbre, on la nourrit, on la danse. Les vivants et les morts se rencontrent dans un dialogue joyeux et sacré. Les autels fleuris, les bougies, les offrandes de nourriture rappellent que la frontière entre les mondes est poreuse. Les ancêtres ne sont pas perdus : ils vivent autrement, dans la mémoire, dans la chair, dans la terre. Cette célébration, à l’image du Scorpion, affirme que la mort fait partie de la vie, et que la conscience de cette vérité rend la vie plus intense, plus vraie.
Ainsi, le mois de novembre est une période de vérité intérieure qui ne tolère ni les faux-semblants ni les demi-mesures. Elle nous demande de mourir à nos illusions, de laisser tomber les masques, de descendre dans la profondeur de notre être pour y trouver la lumière la plus authentique. C’est une invitation à la lucidité, à la maturité spirituelle, à la réconciliation avec le mystère du monde.
Nous traversons alors, symboliquement, notre propre hiver intérieur. Et si nous acceptons cette descente, si nous nous laissons traverser par la perte, la solitude, le dépouillement, quelque chose de neuf peut naître. Le Scorpion nous apprend que la mort, loin d’être la fin de tout, est le mouvement même de la vie — un appel à renaître autrement, plus conscients, plus reliés.
Dans ce face-à-face avec l’invisible, nous découvrons que la transformation est la seule permanence. Et peut-être que la sagesse en ce mois de novembre, consiste justement à apprendre à aimer le passage, à honorer la profondeur, et à reconnaître dans l’obscurité le battement secret de la lumière.
alors à tous une belle fête de la Toussaint...
